Une jurisprudence pour exercice illégal de la maréchalerie.



L’UFM, a pour objet statutaire de défendre les intérêts de la profession de maréchal-ferrant et de ses membres, en procédant à l’amélioration et au respect du métier dans l’intérêt des animaux. Sa constitution de syndicat professionnel lui permet, à la différence d’une simple association, d’ester en justice, au même titre qu’un ordre professionnel. C’est-à-dire d’aller jusqu’au procès, si nécessaire, pour défendre les intérêts de la profession.

L’UFM a été informée en 2011-2012 de diverses réclamations de confrères de la région des Pays de la Loire, qui avaient entendu parler d’un certain G. J, qui faisait profession de pseudo pareur naturel ou pédicure équin. Sans formation, ni diplôme ! Mais, à grand renfort de publicité et de critique contre la profession et ses membres, par l’intermédiaire de site internet ou de blog.

L’UFM a envoyé un courrier à ce monsieur pour lui demander la preuve de ses capacités pour exercer l’activité de maréchal-ferrant. Il n’en avait pas.

C’est pourquoi, le 29 mars 2012, l’UFM dépose une plainte simple à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance des Sables d’Olonnes.

L’infraction visée par l’UFM est : exercice illégale de la maréchalerie réalisé par Monsieur G. J.

Pour l’UFM, entendu par la Gendarmerie, lors de l’audition du 15 novembre 2012, il est clair que la pratique du parage, quel que soit le qualificatif qu’on lui associe, est une activité de maréchal-ferrant. Que, ce parage précède ou non un ferrage. Dans la mesure où il y a fort longtemps que les maréchaux-ferrants gèrent les chevaux pieds-nus comme l’expliquait, déjà, Thary dans son Précis de Maréchalerie en 1896 et comme le pratique un grand nombre de maréchaux-ferrants actuellement.

Mais aussi que pour réaliser cette opération, il est nécessaire, a minima, de posséder une qualification reconnue de maréchal-ferrant, qui fait suite à une formation dans le métier.

Cette appréciation est consolidée, selon nous, par les articles 16 et 24 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat et des articles L 241-1 et 243-3 du Code Rural et de la pêche maritime.

Dans le cadre de l’enquête de cette plainte et, sur réquisition du Procureur de la République, la Direction départementale de la Protection des Populations de la Vendée concluait, le 22 avril 2013, que : le parage ne peut être réalisé que par certaines professions et notamment par les maréchaux-ferrants. Comme en l’occurrence, Monsieur J. n’avait pas de diplôme de maréchal-ferrant, contrairement aux dispositions de la loi du 5 juillet 1996 et son décret d’application. Pour cette administration, l’infraction d’exercice illégal de la maréchalerie était constituée.

Monsieur G.J., quant à lui, déclare aux enquêteurs, lors de son audition du 16 novembre 2012 : «qu’il travaillait sur les pieds des chevaux dans le but de simuler une usure naturelle du sabot par l’emploi d’une râpe et d’une rénette ».

Que, selon lui,  la différence entre un maréchal-ferrant et un pseudo pareur naturel ou pédicure équin « tient de la façon de parer, qui est différente puisque le but n’est pas le même ».

Même s’il déclare plus loin : « prendre 40 euros pour un parage classique » (tiens !?) comme le font et pratiquent les maréchaux cette région.

Il est à noter, également, qu’il nous informe sur sa manière de parer : « on touche uniquement à la corne et jamais aux parties vascularisées, on ne prodigue pas de soins ».

Et que « si le cheval boite on dit aux gens d’appeler le vétérinaire », ah bon ! Et pas le maréchal-ferrant, pourquoi ? Que, de fait, « ce n’est pas de la médecine vétérinaire ».

Et que, enfin : « le parage est différent, le maréchal-ferrant pare pour poser un fer », tiens donc !

On voit bien là la méconnaissance du métier de maréchal-ferrant par ceux qui pensent que jusqu’à présent tous les chevaux étaient ferrés et que les maréchaux-ferrants ne réalisaient des parages que dans le but d’apposer une ferrure sous le pied des chevaux. Ce qui n’est pas étonnant puisque ces « spécialistes » sont, déjà, à cent lieues de savoir que l’on peut ferrer également des bovins. Mais là, il faut de la culture…  de la culture professionnelle, de celle des gens qui s’occupent des animaux, pour leur bien! Pas de celle des utopistes qui pensent avoir créé une nouvelle science uniquement sur la base de leur ignorance.

Sans surprise, devant le tribunal correctionnel des Sables d’Olonnes, le 26 septembre 2013, Monsieur G.J, minimise ses actes et déclare : «  juste limer un peu les sabots ».

Nous sommes néanmoins étonnés par ce discours, devant la Justice, de ces personnes qui devaient renvoyer au Moyen Ages les Maréchaux-ferrants en nous abreuvant de palabres sur la cruauté de notre art, pourtant tout entier tourné vers le bien-être des animaux confiés, ceci depuis des lustres.

En fait, le pédicure-podologue équin, même affublé de ce titre n’est qu’un homme, pas vraiment un héros, pas vraiment le sachant qu’il voudrait être. De plus, il est pris à son propre piège.

D’ailleurs et même, s’il n’en apporte aucune preuve, Monsieur J. affirmait avoir suivi une formation pour exercer son métier. C’est là où le bât blesse. En effet, c’est la seule formation, celle des pseudos pareurs naturel ou des pédicures équin qui dure si peu de temps (2 jours entre observation d’une personne n’en sachant pas beaucoup et une pratique courte sur pied mort) et ou on doit se débrouiller seul, ensuite. Contrairement à la formation séculaire des maréchaux-ferrants qui s’étend sur 3 années civiles avec de la pédagogie en centre de formation et de la pédagogie d’entreprise, avec la mise à disposition pour l’apprenant d’un tuteur ou d’un maître d’apprentissage, permanent.

En effet, les équidés ne sont pas des cobayes. C’est un cas de mauvais traitements envers des animaux que d’accepter le travail d’un néophyte non encadré par un tuteur. C’est pourtant ce que font ces pareurs naturel. C’est pour cela qu’ils décrient notre formation…car eux n’en ont pas. Alors qu’ils n’hésitent pas à agir sur les pieds des équidés en disant que si le cheval boite après leurs interventions, c’est normal. Car d’après eux, c’est la faute de la ferrure précédente et que le cheval peut même boiter durant 2 ans.

Comment peut-on accepter de laisser des chevaux boiter ? Juste, parce qu’on ne veut pas apprendre les compétences minimales pour soulager les équidés. Où est l’amour du cheval ?!



Revenons à ce jugement correctionnel :

Pour sa défense Monsieur G. J. déposait un document issu de « l’académie vétérinaire de France » de 2009 qui circule dans le milieu des pareurs naturel et sur internet, exprimant le point de vue, controversé, d’un vétérinaire. Que l’ordonnance de 2011, modifiant le Code Rural, n’a pas retenue, du reste.

Le prévenu, se disant pédicure équin, présentait également, au tribunal la réponse du Ministre de l’agriculture à la question posée par une Sénatrice de la Gironde en décembre 2012.

Certes, pas la question au gouvernement qui demandait une exonération de taxes et une inscription au Répertoire des Métiers, par les personnes qui s’affichent comme pédicures équin. (Si, ils ont osé !). (Voir article précédent)

Mais, la réponse à la question qui demandait une reconnaissance du droit de pratiquer des parages par des pédicures-podologues équin. Question à laquelle le Ministre répondait « qu’il n'est pas apparu le besoin de créer une nouvelle profession de pareur ou de pédicure équin ».

Mais le prévenu ne citait qu’une partie pourtant aussi explicite de cette réponse : «Ainsi, répondait le Ministre, les pédicures et les pareurs équins ne faisant pas partie de la liste des professions dérogataires pour l'exercice d'actes de médecine et de chirurgie des animaux, sont autorisés à réaliser des soins sur les pieds des chevaux dès lors que ces soins ne sont pas considérés comme étant des actes de médecine ou de chirurgie des animaux ». Tout le monde comprend, ici, qu’il s’agit des opérations, essentielles, que sont le curage des pieds ainsi que le graissage de ces mêmes pieds ! Tout le monde, sauf les intéressés !

Mais tout au plus, cette réponse ministérielle est une information pour une meilleure compréhension du texte, envers ceux qui ne veulent pas l’accepter.

La surprise de cette audience du 26 septembre 2013 venait du substitut du Procureur qui demandait la relaxe du prévenu. Car, le représentant du Parquet ne voyait pas en quoi couper de la corne aux pieds des chevaux pouvait avoir une incidence sur le confort et le bien-être de ceux-ci. C’est la difficulté d’expliquer l’importance et les incidences de notre art à des personnes qui voient le parage des pieds des chevaux comme le fait de couper les ongles sur les doigts des humains. Ce sont les limites de l’anthropomorphisme. Ces personnes ne prennent en considération que les incidences que cela peut avoir sur eux. Ce qui n’est pas vraiment la même chose que sur les animaux dont leur base de sustentation est leurs sabots.

Du reste, déconcertant, il exposait qu’il ne voudrait pas être convoqué devant ce tribunal pour exercice illégal de la chirurgie parce qu’il lui arrive de se servir d’un scalpel pour réaliser des maquettes. C’est vrai : une pince à parer dans la main, un pied de cheval entre les jambes ce n’est certainement pas pour réaliser un parage…mais seulement pour prendre 40€ pour curer les pieds.

Ces aberrations misent en avant. C’était à la magistrate du siège de délibérer et de dire le Droit.

Donc, le 10 octobre 2013, Le tribunal correctionnel des Sables d’Olonnes se prononçait sur la culpabilité de Monsieur G. J. de la manière suivante :

Considérant que l’article L243-1 du Code Rural dispose : « On entend par acte de médecine des animaux : tout acte ayant pour objet de déterminer l’état physiologique d’un animal ou son état de santé, de diagnostiquer une maladie, y compris comportementale, une blessure, une douleur, une malformation, de les prévenir ou de les traiter… »

La juge, ne se présentant pas comme une spécialiste du cheval ou de l’équitation et encore moins de la maréchalerie, à ses dires en préambule d’audience, mais ayant bien compris nos argumentaires oraux et écrits, déclare : « le parage vise à agir sur la corne, avec ou sans ferrage ensuite, pour que le cheval puisse se déplacer convenablement et en fonction de l’usage prévu par son propriétaire. Qu’en l’absence de parage ou avec un parage inadapté, le cheval peut avoir des douleurs ou éventuellement développer une maladie ou des déformations. Qu’à l’inverse cette opération permet de prévenir et de traiter des douleurs du cheval qui seraient liés à un mauvais positionnement du sabot sur le sol ». Mais aussi, qu’avant de parer, il faut diagnostiquer si le pied est sain ou pas. Ce qui, reconnait cette juridiction, « nécessite des compétences en matière médicale ».

Il apparait donc, en Droit, que le parage peut être qualifié d’acte de médecine des animaux.

Qu’à partir de cette constatation. Puis en se référant à la loi et principalement au texte de l’article L 243-1 confirmé par l’article L 243-3 du Code Rural qui dispose que des actes de médecine ou de chirurgie des animaux peuvent être réalisés par, notamment, les maréchaux-ferrants pour le parage et les maladies du pied des équidés.

La magistrate en convient : « seuls les maréchaux-ferrants et les vétérinaires peuvent procéder au parage des pieds des équidés ».

Mais aussi, comme nous l’avions exposé, il n’y a pas de parage : naturel, physiologique, de Strasser, de Fiashi, ou de Thary etc… Il n’y a que le parage stricto sensu. Que celui-ci soit ou non suivi d’un ferrage, qui n’est qu’une pose d’orthèse sur un organe préparé à le recevoir. Du reste, le jugement précise que : «  le Législateur a donc manifestement, en toute connaissance de cause, fait le choix de ne pas distinguer les différentes pratiques en matière de parage pour les réserver toute, exclusivement, aux maréchaux-ferrants (ou aux vétérinaires) ».

Il semble donc, au regard de ces éléments, que le prévenu qui procédait à des parages dans un exercice professionnel, a exercé des actes réservés à l’activité de maréchal-ferrant et donc a exercé l’activité de maréchal-ferrant.

Or, l’activité de maréchal-ferrant est réglementée par la loi relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat du 5 juillet 1996, dont l’article 16 dispose qu’il est nécessaire d’être qualifié pour l’exercer. Le Conseil Constitutionnel l’a confirmé consécutivement à une question prioritaire de constitutionnalité en date du 24 juin 2011 (Décision 2011-139).

Dans la mesure où Monsieur G.J. ne possède pas de diplôme de maréchal-ferrant reconnu et que l’UFM l’avait préalablement averti, il ne pouvait donc se cacher derrière une méconnaissance de la loi. D’ailleurs : nul n’est censé ignorer la loi, rappelle le jugement correctionnel.

Le tribunal est donc entré en voie de condamnation pénale à l’encontre de Monsieur G.J. pour une amende de 1000€ dont 500 avec sursis, la diffusion de la condamnation sous la forme d’une publication dans le journal France-Ouest, à sa charge.

L’UFM quant à elle, n’a demandé qu’un euro symbolique au titre du préjudice moral et obtient de cette condamnation délictuelle de Monsieur G.J. 750 € pour les dépens.



Cette première jurisprudence pour exercice illégal de la maréchalerie, si bien argumentée, fait réellement entrer les maréchaux-ferrants français dans le 21éme siècle en délimitant juridiquement le champ et les contours de notre métier. Elle invite, également, la profession à de nouveaux objectifs, tant en matière de formation qu’en terme d’organisation de la profession. Ce qui lui favorisera une meilleure reconnaissance. Mais aussi de meilleures compétences professionnelles dans l’intérêt des animaux pour lesquels nous travaillons.

Il est à remarquer que les dernières dispositions législatives intéressant notre profession sont une avancée. En effet, c’est la première fois qu’une modification du Code Rural ne retire rien aux capacités professionnelles des maréchaux-ferrants voire même requalifie d’une manière supérieure les compétences des maréchaux-ferrants, requalification confirmée par la Justice.

Cette avancée conséquente pour la profession de maréchal-ferrant est à mettre à l’honneur des maréchaux-ferrants responsables de leur métier que sont les seuls artisans maréchaux-ferrants, membres de l’UFM. Mais pourtant, nous avons besoin de tous et tous, nous avons besoin de l’UFM pour pouvoir nous épanouir dans notre passion.

C’est donc aux professionnels de faire fructifier ces reconnaissances professionnelles que l’UFM a chèrement conquises par son expertise et son travail mais aussi par la confiance des maréchaux-ferrants.

Dominique FONSECA

Président







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