PLANETE DU CHEVAL AU NATUREL N°8

Mai Juin 2007

 

 

Ferrage, pieds-nus et Dr Strasser

 

Y a eu plusieurs articles sur le ferrage, la nouvelle tendance des pieds-nus et les

théories du Dr H. Strasser parus dans divers numéros de " Western magazine ", c'est-à-dire l'ancêtre de " Planète Cheval au Naturel ". Je profite de cette occasion pour souhaiter une très longue vie à cette nouvelle publication qui répond certainement à une demande grandissante ces dernières années.

Mais revenons au ferrage, aux pieds nus et au Dr Strasser. Je crois utile et nécessaire d'apporter un complément d'information sur un sujet aussi controversé.

J'ai été un adepte de la première heure des idées du Dr Strasser ceci pour la simple raison qu'au moment de réfléchir sur le rôle du cheval dans la société d'aujourd'hui et de l'utilitéou non de le ferrer encore, c'est la seule réponse que j'aie trouvée en librairie. Il faut reconnaître au Dr Strasser certains mérites, le premier étant d'avoir posé certaines questions àhaute voix et le second, d'avoir compris plus vite que les autres le vide commercial existant et de s'être engouffrée par la porte de l'ignorance généralisée sur le sujet aussi vite qu'un courant d'air.

Une fois accepté le rôle de loisir du cheval et non d'outil de travail ou guerrier dans notre société, les questions sur l'utilité du ferrage surviennent souvent lors de l'observation des chevaux sauvages dans la nature. Ils ne sont pas ferrés et ne semblent pas être gênés pour traverser toutes sortes de terrains accidentés. Les sabots ne sont ni graissés ni parés et leur entretien se fait par la seule usure naturelle. La différence essentielle est que le cheval en liberté, contrairement à son frère domestique, est en mouvement perpétuel, il marche, trotte ou court librement toute la journée et choisit son chemin en fonction de la nourriture ou de l'eau dont il a besoin. Notre cheval domestique vit une partie de la journée en box, une autre partie au pré (s'il a de la chance) et nous le sollicitons sur des terrains abrasifs, comme le sable, pour l'entraÎnement ou les concours et sur des routes goudronnées, des terrains de graviers ou caillouteux pour les ballades. Il doit être nourri artificiellement car même au pré il ne trouve pas toute la diversité de plantes dont il a besoin pour une alimentation équilibrée, ce qui peut entraÎner des carences visibles à la longue sur la robe ou les sabots entre autres. Et surtout, la différence essentielle entre le cheval sauvage et le domestique est que tout ce que nous lui demandons de faire, il doit l'exécuter avec la surcharge de la selle et de notre poids sur le dos.

Désireux de rendre à ma jeune jument une vie la plus naturelle possible, j'ai choisi un endroit ou elle pourrait vivre, avec d'autres chevaux, dans un pré immense toute la journée. Ne faisant avec elle aucun concours, ni dressage classique ou une activité autre que des promenades dans la nature, j'ai donc demandé àune spécialiste, formée directement en Allemagne à la méthode du Dr Strasser, de venir enlever les fers et de parer les pieds de la jument de quatre ans. Cette personne a pris le temps nécessaire pour m'expliquer le travail qu'elle allait faire et l'entretien à effectuer par mes soins entre chaque visite. C'est à ce moment que le doute est né et c'est lors de la troisième consultation qu'il s'est définitivement installé dans mon esprit.

Tout d'abord, le Dr Strasser préconise un parage des pieds avec un angle fixe et des talons très bas pour tous les chevaux. Comment peuton généraliser la morphologie et la structure osseuse de tous les chevaux et de toutes les races? C'est absurde. Le quarter-horse marche comme-les cow-boys et pose l'extérieur des sabots antérieurs avant le reste du pied ce qui entraÎne une usure asymétrique de la corne. Ceci est propre à cette race et non à un pursang anglais ou une autre race. Outre de ('arthrose, parer les pieds avec un angle fixe peut entraÎner des problèmes articulaires graves si cet angle ne s'adapte pas à la conformation squelettique de la jambe et du pied en particulier. Il est important d'observer le cheval, sa manière de marcher, de poser les pieds et la position de la dernière phalange avant de décider d'un angle de parage.

Ensuite, le Dr Strasser conseille de faire tremper les pieds dans l'eau environ vingt minutes tous les jours. Cette affirmation est extrêmement grave et particulièrement dangereuse. Si ses théories sont basées sur l'observation des chevaux sauvages, alors ou a-t-elle vu des mustangs ou des zèbres rester vingt minutes les pieds dans l'eau? Le sabot est comme un ongle, c'est une matière qui réagit à l'humidité et qui se ramollit au contact de l'eau. Une durée prolongée et répétitive dans l'eau va le rendre plus fragile et plus perméable aux bactéries ce qui peut être très dangereux pour la santé des pieds du cheval et est une porte ouverte à toutes sortes de maladies, surtout pour un cheval en box, les pieds dans les crotins ou l'urine.

Et pour finir, cette méthode demande un entretien de la corne de la part du propriétaire, à l'aide d'une râpe de maréchal-ferrant. Ce point me semble également critiquable. D'une part, le manque de connaissances et l'inexpérience peuvent faire plus de mal que de bien. Ensuite, c'est minimiser la connaissance acquise lors d'années d'apprentissage d'une profession. A chacun son métier et parer les pieds d'un cheval n'est certainement pas le mien, je préfère des mains expertes au danger d'une complication due à une mauvaise manipulation. Je ne me substitue ni à mon dentiste, ni à mon garagiste, alors pourquoi à mon maréchal-ferrant?

Le Dr Strasser se plaint également du manque de publications sur les sabots. C'est certainement vrai dans le domaine public, mais absolument faux dans le monde scientifique et vétérinaire spécialisé. Plusieurs articles et ouvrages s'adressant à la communauté scientifique existent comme ceux du Dr S. O'Grady, sur la maladie de " la ligne blanche" ou des" talons chevauchés ". Par contre, il n'existe aucune publication dans aucune revue scientifique ou vétérinaire des résultats des recherches sur lesquels sont basées les théories du Dr Strasser.

Il y quelques mois, lors d'un de ses séminaires en Europe, j'ai eu l'occasion de discuter avec le Dr O'Grady. Nous avons tout naturellement abordé le sujet du ferrage. Il était d'accord sur le principe que le ferrage est certainement la cause de bon nombre de problèmes tant au niveau des sabots que des articulations, mais que c'était paradoxalement le seul moyen de soigner une partie de ces maux. Il était également d'avis de laisser le choix du ferrage ou non en fonction de l'utilisation du cheval, de rester ouvert et surtout de ne pas épouser des théories exclusives dans ce domaine. Le changement dans un sens ou dans l'autre doit toujours être possible.

Aujourd'hui ma jument n'est toujours pas ferrée, elle a une très bonne qualité de corne et de très bons pieds qui passent sur toutes sortes de terrains. Elle est parée par un maréchal méticuleux qui domine les deux techniques. Nous avons dernièrement discuté la possibilité de la ferrer devant, j'avais l'impression qu'elle donnait des signes de gêne sur les terrains caillouteux mais après des tests de sensibilité qui se sont avérés négatifs, nous avons décidé de la laisser pieds-nus jusqu'au début de la prochaine saison chaude et de nous

reposer la question à ce moment.

German

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